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9 septembre 2018

Nos poilus aux archives départementales : les prisonniers

Poilus-2

 

Nos poilus sont partis à la guerre et certains ont disparu. Sont-ils morts ou ont-ils été faits prisonniers ?

C’est la grande question que se pose les familles, et cette question, ils la posent à tous : le maire, le préfet, l’armée, les sociétés d’aide aux familles, la croix rouge.

 Nous sommes toujours en série R. Les courriers adressés au préfet par les familles directement ou par l’entremise du maire, sont conservés. Certains, bref et administratifs, posent juste la question. D’autres, reflètent bien la peur et l’angoisse des parents.

 Et la réponse arrive, le petit a écrit, il est prisonnier, quelque part en Allemagne, dans un lieu imprononçable et tout aussi difficile à écrire. L’orthographe des camps de prisonnier varie d’une famille à l’autre.

 Les courriers conservés aux archives départementales sont de deux sortes :

  • Les courriers adressés directement par les prisonniers,
  • Les courriers des familles.

 Dans chaque cas, c’est une demande d’aide : des vêtements, de la nourriture, des colis.

 Louis Auguste François est du 30e régiment d’infanterie. Il écrit sur la petite carte fournie aux prisonniers pour leur correspondance :

« Zerbst, 2 septembre 1918, cher monsieur, j’ai l’honneur de vous demander le secours offert par chaque comité départemental à ses prisonniers de guerre nécessiteux. J’habitais à Sargé-sur-Braye avant la guerre que j’ai quitté à la mobilisation. Je suis de la classe 1889, orphelin, je n’ai touché aucun secours depuis 1914. Blessé, prisonnier voilà quatre mois, je suis sorti de l’hôpital depuis quinze jours et pris au camp de Zerbst, et je sollicite votre aide à seule de toucher le colis mensuel. Dans cet espoir, veuillez agréer, cher monsieur, l’assurance de mes meilleurs sentiments. »

 Lorsqu’il s’agit de colis de nourriture et de menus objets du quotidien, la démarche est relativement simple. Le fonctionnement des sociétés d’aide aux prisonniers est malheureusement bien rodé. Mais lorsqu’il s’agit de fournir des vêtements, c’est le grand bazar. Ces derniers doivent être exclusivement militaires alors les familles écrivent aux régiments, qui ne répondent pas, s’adressent à la préfecture qui se tourne vers les sociétés d’aide….

C’est là que l’on se rend compte du rôle essentiel des maires : ils sont sollicités de toutes parts et par tout le monde : les familles qui veulent des réponses, le préfet qui veut des précisions, l’armée qui veut des noms. Ils sont sollicités et sollicitent à leur tour l’armée et la préfecture et les sociétés d’aide.

 Edmond Chollet, du 113e régiment d’infanterie, 3e bataillon sanitaire, a été fait prisonnier le 8 juin 1918 et envoyé en Westphalie. Julia Chollet, sa femme, se retrouve seule avec sa petite fille de trois ans. Elle n’a que l’allocation militaire de son mari pour vivre. Il lui est impossible de lui envoyer le moindre colis.

  1. Le 7 août 1918, le comité de secours du camp de Dülmen écrit au président du comité départemental d’assistance aux prisonniers de guerre, à Blois, pour que Edmond Chollet, le mari de Julia, puisse recevoir des secours en vivres.
  2. 2.       Le 13 octobre 1918, Julia écrit à « madame », probablement la présidente d’une association d’aide : « Je viens m’adresser à vous savoir si vous avez la bonté de bien vouloir vous occuper de mon mari prisonnier en Allemagne depuis le 9 juin. Je n’ai que mon allocation pour vivre moi et mon enfant âgée de trois ans. Depuis une lettre de mon mari, reçue ce matin, je suis allée chez Mr. l’instituteur pour savoir où m’adresser pour obtenir colis et effets dont demande mon mari. Il m’a prié de m’adresser à vous donc voici les effets dont il demande, une paire de chaussures pointure 28.4, chaussettes, cache-nez, une veste et un pantalon, gants de laine. Il me dit qu’il travaille son métier de cultivateur. Je vous donne son adresse Chollet Edmond prisonnier de guerre 3e bataillon sanitaire 113e régiment d’infanterie camp III Gefaugenenlage 3 détachement n°602 Münster in Westfalen. Recevez Madame mes salutations empressées. SP Je serai allée moi-même près de vous mais il m’est impossible je viens d’avoir la grippe. Signé Chollet Julia à Santenay. »
  3. Le 22 octobre 1918, le maire de Santenay écrit au préfet. Il donne les noms et coordonnées d’Edmond Chollet au préfet, comme prisonnier indigent, pour qu’il puisse bénéficier de l’envoi de colis. Le cas du prisonnier Chollet est « extrêmement méritoire ». Ce courrier est un certificat d’indigence.
  4. Le 8 novembre 1918, Julia écrit à l’armée :

« Santenay, le 8 novembre 1918, monsieur le capitaine, je viens m’adresser à vous pour pouvoir obtenir des effets pour mon mari prisonnier de guerre depuis le 9 juin qui était au 113e d’infanterie brancardier à la 10e compagnie. Pour sa lettre du 18 septembre, il me demande de m’adresser à son dépôt pour obtenir des effets pour l’hiver : chaussures pointure 28/4, chaussettes, gants, cachenez, veste et pantalon. Voilà un mois que j’ai demandé à la préfecture, on m’a répondu qu’il n’y avait pas d’effets. Le maire de ma commune a bien envoyé un certificat d’indigence et j’ai tout de même obtenu un colis par mois mais cela ne suffit pas. Je suis dans l’impossibilité de lui acheter des effets c’est donc pourquoi aujourd’hui je viens m’adresser à vous. Voulez-vous avoir l’obligeance de me faire savoir si vous pouvez envoyez ce dont il demande. Je vous envoie l’adresse exacte Chollet Edmond 113e régiment d’infanterie Gefangenelager 3 – camp III 3e bataillon sanitaire détachement V602 Münster in Westfalen Allemagne. Recevez Mr mes salutations empressés – Julia Chollet, Santenay. »

Même quatre ans après le début de la guerre, il est toujours difficile de savoir à qui il faut s’adresser. Ce dernier courrier adressé à l’armée, a été retourné à la préfecture qui l’a, à son tour, adressé au comité de secours que Julia avait déjà sollicité en vain.

Une chance pour Edmond, la guerre allait bientôt finir. Mais imaginer ce casse-tête pour les familles de ceux qui ont été fait prisonniers dès août 1914.

Certains courriers témoignent de la détresse profonde des familles et de leur impuissance, comme dans l’article du blog

Lettre d'une mère bien ennuyée - Le blog d'une généalogiste

Trouvé dans les archives en série R, la lettre d'une mère bien ennuyée. J'ai laissé volontairement l'orthographe d'origine. A lire avec le parler de l'époque dans la tête pour en savourer le ton. Mehers, le 24avril 1917 Monsieur le préfet Je viens de recevoir une lettre de mon garçon prisonnier en Allemagne.

http://genealogiepro.canalblog.com

Ces courriers qui nous sont parvenus et qui sont conservés dans la série R, sont une mine de renseignements pour les généalogistes. Malheureusement, tous les courriers n’ont pas survécu au tri et classement vertical. Pour ceux qui existent encore, ne vous en privez-pas.

PS : si tous ces documents sont majoritairement conservés dans la série R, n’oubliez pas la série Z qui est un dépôt d’archives à elle toute seule, puisqu’elle conserve les documents des sous-préfectures qui n’ont pas été versés dans les séries usuelles. Il y a du R dans le Z.

La suite demain.

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Commentaires
A
C'est par ce biais que l'on comprend mieux la détresse "collatérale" de la guerre : il n'y a pas que les soldats qui partent et qui souffrent, durement, il y a aussi la détresse et la souffrance des familles qui sont dans 'attente...
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