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6 novembre 2020

F comme l'histoire de la famille Feuillatre de Vineuil

Pour la lettre F, je ne vais pas vous raconter l’histoire de la famille Feuillatre. Je vais vous faire vivre la recherche telle que je l’ai vécue. Pourquoi ? Parce que, lorsque je choisis un sujet, je ne sais pas où il va m’emmener. Et j’ai eu envie de partager ce voyage avec vous.

Pour trouver le sujet de la lettre F, j’ai recherché dans la source que j’utilise cette année, les demandes de secours des familles de soldat. J’ai photographié ce dossier il y a des années. Heureusement, car les archives sont fermées, cause Covid. Je vais devoir me contenter de ces photos et d’internet.

J’ai regardé les « F » du dossier et je me suis arrêtée sur la demande de secours de Joséphine Dalmas, femme de François Feuillatre.

lettreF

François Feuillatre s’est engagé le 14 novembre 1870, dans la deuxième compagnie des francs-tireurs du Loir-et-Cher, laissant sa femme démunie au point de demander un secours.

Sa feuille de demande indique qu’elle demeure au Noël, hameau de la commune de Vineuil. Elle a trente-et-un ans, exerce le métier de journalière et elle doit pourvoir à la nourriture et à l’entretien de quatre enfants. Trois sont les siens, le quatrième est un enfant qu’elle a en nourrice, des bureaux de placement de Paris. En temps normal, le bureau de placement lui verse une allocation, mais, depuis l’investissement de la capitale, elle n’a rien reçu. Ses enfants ont douze, six et trois ans. La famille de son mari est indigente et ne peut l’aider. Sa propre famille est également indigente et peine à subvenir à ses propres besoins. Fait aggravant, elle est enceinte. Sa demande d’aide date du 25 novembre 1870, soit onze jours après l’engagement de son mari.

Le 14 mars 1871, le maire de Vineuil certifie que François Feuillatre est toujours à l’armée et qu’il n’est pas rentré dans ses foyers. Malgré les secours déjà accordés, sa famille a encore besoin d’être secourue.

Voilà le point de départ de ma recherche. Il ne reste plus qu’à suivre la piste pour en savoir plus sur cette famille et savoir si François Feuillatre n’est pas rentré parce qu’il est mort à la guerre, et ce qu’il est advenu de sa femme et de ses enfants.

La première étape est de reconstituer la famille, chercher le mariage de François et Joséphine et la naissance des enfants, voire même de celui qu’elle attend, indiqué dans la demande de secours.

François Feuillatre, tonnelier, né le 9 avril 1834 à Vineuil, fils de Mathurin Feuillatre et Geneviève Ruelle, a épousé Euphrasie Louise Joséphine Dalmas, le 3 février 1857, à Vineuil. Elle est née le 27 août 1839 à Chaville, dans les Hauts-de-Seine, fille de parents inconnus, admise à l’hospice de Paris, le 13 avril 1842. C’est triste, imaginer cette petite fille de trois ans, abandonnée à l’hospice sans savoir qui sont ses parents.

Le document suivant consulté est le recensement de 1872, à Vineuil. Joséphine vit seule avec ses enfants, Clovis, 14 ans, Alfred, 8 ans, Clotaire, 5 ans et Octave, 1 an, et deux enfants en nourrice, Charlotte Foucault, 3 ans, de la Seine, et Berthe Flobert, 1 an, de Seine-et-Oise. François n’est donc toujours pas rentré. Est-il mort ? Elle n’est pas indiquée veuve mais femme mariée. S’il est mort, il n’a pas d’acte de décès et il faudrait un jugement du tribunal.

Je continue en reconstituant la famille, maintenant que j’ai les noms des enfants, tous nés à Vineuil, d’après le recensement. Je trouve Clovis Edouard Laurent François, l’aîné, né le 16 août 1858, Clotaire, né le 9 novembre 1867, et Maximilien Octave Laurent François, né le 22 avril 1871, et c’est son père qui déclare sa naissance. Il est donc rentré de la guerre. Une hypothèse qui disparaît.

Je trouve aussi Clotilde, qui naît le 10 février 1874, toujours à Vineuil, et là, c’est la sage-femme qui déclare la naissance. Cela arrive en cas d’absence du père. Où est-il encore passé ?

Je ne trouve pas Alfred, alors j’élargit la recherche et je trouve François Maximilien, né le 13 août 1862, à Blois, rue du grain d’or, qui ne vit que quinze heures. La famille n’a pas toujours vécu à Vineuil. Et toujours pas de trace d’Alfred.

Il est né vers 1864, je prends un raccourci et je recherche son feuillet matricule sur la classe 1884, et, dans la table alphabétique, il y a Alfred Louis Maximilien Feuillâtre, matricule 860. Il s’agit bien du fils de François et Joséphine, mais il est né à Mazeyrolles, en Dordogne, le 24 mars 1864. Cela fait bien loin de Vineuil. En 1884, il est cylindreur à Chaville, la ville natale de sa mère. Drôle de coïncidence.

Je vais faire un tour du côté des AD Dordogne et j’y trouve l’acte de naissance d’Alfred, où il est indiqué que le père est poseur au chemin de fer et que la famille est dans la commune depuis peu de temps.

Elle n’y est pas restée, puisque Clotaire est né en 1867, à Vineuil.

La famille est reconstituée. Reste à savoir ce qu’il est advenu de François.

Je cherche le mariage des enfants, et je trouve celui de Alfred, encore lui, le 21 novembre 1895, à Boulogne-Billancourt, avec Hélène Frick. Il est indiqué que sa mère est lingère, à Chaville (elle est revenue vivre dans sa ville de naissance), et que son père a disparu. Un acte de notoriété passé devant le juge de paix de Blois, le 2 novembre 1895, l’atteste. François a encore disparu, mais quand ? Impossible de lire cette notoriété, bien au chaud dans les archives fermées.

Quand a-t-il disparu ? En 1871, il est là, à la naissance de son dernier fils. Il est absent au recensement de 1872, mais il a bien dû revenir pour faire sa fille qui naît en 1874, et là encore il est absent. Sauf à penser qu’il n’est pas le père de Clotilde, déclarée sous son nom car il est le mari de sa mère. Hummm. Il faut encore creuser.

Je cherche le mariage d’autres enfants et trouve celui de Clovis Edouard à Chaville, le 19 juin 1880, avec Marie Rose Grisel. Il vit avec sa mère, à Chaville, et son père est absent. Cela réduit la fourchette de sa disparition, entre 1871 et 1880.

Puisque les mariages des enfants ne m’apportent pas plus de renseignements, je vais chercher son décès. Si un acte de décès a été dressé au nom de François Feuillatre, il ne doit pas y en avoir des centaines sur la période recherchée. Mais non, rien. Aucun des François n’est le mien.

Où est-il passé ? J’élargis la recherche à tous les types de documents et là, je vois, sur Filae, un François Feuillatre mort le 4 avril 1903, condamné au bagne.

Eh oui, c’est mon François. Et là, ses absences s’expliquent. Il était bien présent à la naissance d’Octave. Mais il a été condamné à un an de prison pour vol, le 29 décembre 1871. Ce qui explique son absence du recensement de 1872. Il est de nouveau condamné le 22 août 1873, pour vol qualifié, à la peine de huit ans de travaux forcés et surveillance à vie, par la cours d’assises de Blois, et envoyé en Nouvelle-Calédonie, d’où son absence pour la naissance de sa fille, Clotilde, qu’il ne connaître jamais. Le 9 juillet 1879, il obtient une remise de peine de six mois. Il ne quittera jamais la Nouvelle Calédonie. Il y décède le 4 avril 1903.

Toutes ces absences sont expliquées. Pauvre Joséphine abandonnée à l’âge de trois ans par ses géniteurs, abandonnée enceinte avec trois enfants par son mari parti à la guerre, abandonnée définitivement par son mari, parti au bagne.

Pour boucler la boucle, je cherche son décès et je trouve sa transcription à Chaville. Elle est décédée à Clermont, dans l’Oise, le 24 février 1904, un an après son mari. Que faisait-elle à Clermont alors qu’elle vit à Chaville ? Encore un mystère.

Par contre, la lecture de son acte de décès me pose un problème, car sa filiation y est indiquée. Elle est la fille de Blaise Jacobin François Dalmas et Louise Joséphine Woislin. Non seulement elle n’est pas de parents inconnus, comme l’indiquait son acte mariage, mais elle connaissait le nom de ses parents, puisqu’ils sont sur son acte de décès.

Cela mérite bien quelques recherches.

J’aurai d’ailleurs pu commencer par là, par la lecture de son acte de naissance. Et oui, elle a bien des parents nommés. Pourquoi l’ont-ils abandonnée à l’âge de trois ans ? Peut-être tout simplement parce que Louise Joséphine Woislin, sa mère, est décédée le 6 février 1842, à Paris, deux mois avant que Joséphine soit laissée à l’hospice.

Qu’est-il arrivé à son père ? Est-il mort lui aussi ?

Cette fois, les recherches changent de direction et s’intéressent à la famille Dalmas. A la naissance de Joséphine, son père, Blaise Jacobin François Dalmas est voiturier, âgé de quarante-quatre ans, et sa mère Louise Joséphine Woislin a trente-sept ans. Joséphine a peut-être des frères et sœurs.

Ils se sont mariés le 22 janvier 1825, à Chaville. Et ils ont eu d’autres enfants : Berthe Laurence Joséphine, le 10 mai 1833, Joseph Auguste, né le 17 juillet 1835. Blaise est décédé à Versailles, le 23 août 1859. Sa date de décès est dans l’acte de mariage de Berthe Laurence, qui a épousé Jean Baptiste Clement Dalmas, le 27 avril 1867, à Paris. Rien dans son acte, indique qu’elle a été abandonnée.

Alors je vais faire un tour du côté des enfants abandonnés dans les archives de Paris et j’y trouve, à l’entrée n°1262, Joséphine. Ni son frère, ni sa sœur, ne figurent dans le registre. Le père a abandonné la plus jeune.

Quand est-elle entrée en contact avec eux ? Car, si vous vous rappelé, dans la demande de secours qu’elle fait en 1870, il est mentionné que sa famille peut à peine subvenir à ses besoins et non qu’elle n’a pas de famille. Est-ce pour cela qu’elle est partie vivre à Chaville, lorsque son mari a été envoyé au bagne ? Elle a rejoint son frère et sa sœur ?

Je vous l’ai bien dit, lorsque je choisis un sujet, je ne sais pas où il va m’emmener.

En tout cas, cette lettre F aura été bien intéressante.

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