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29 juin 2023

L'héritage

Mamy-2021-2

Maman est partie. Cela faisait des mois qu'elle partait, tout doucement. Les dernières semaines, elle était en soins paliatifs, à domicile. Je la voyais, jour après jour, décliner, absente.

Elle a fêté ses quatre-vingt-seize ans, entourée de ceux qui l'aimaient et qui ont été, jusqu'au bout, présents pour elle. Elle aurait fêté les soixante-quinze ans de son mariage, ou plutôt de son changement d'état civil, le 28 novembre. Mais, le 18, elle est partie. Elle s'est éteinte, tout simple. Elle a rejoint Papa, parti dix-neuf ans plus tôt.

Maman avait prévu ses obsèques depuis longtemps. Elle avait exprimé ses dernières volontés, sur qui devait être prévenu, sur le déroulement de la cérémonie ; et nous les avons respectées. La seule chose qu'elle n'avait pas choisie, c'était la musique, les chansons qui sont devenues la règle, aujourd'hui.

Nous avons choisi deux chansons qu'elle aimait, des chanteurs qu'elle écoutait en boucle, à la fin. La chanson des "vieux mariés", de Michel Sardou, parlant d'un vieux couple dont les enfants sont partis vivre leur vie et qui peuvent enfin, vivre la leur. Une chanson pleine de tendresse pour un couple ayant tout partagé, joies et peines, comme elle et Papa. La seconde, de Gilbert Bécaud, "je partirai", nous prévenait qu'elle ne pourrait pas être éternellement avec nous. 

Mais nous étions insatisfaits. Ces deux chansons, reflets de ce qu'elle était, à la fin, étaient tellement réductrices. Sa vie, bien heureusement, ne se résumait pas à sa fin. 

C'est Valentin qui a trouvé la solution. Son petit-fils nous a donné une chanson et, après coup, cela nous a semblé tellement évident. Si les deux premières choisies ont été passées une fois, au cimetière, la troisième est passée en boucle et à fond.

Cette chanson était une partie de son héritage. Il s'agissait de James Brown "It is a man's world". Valentin se rappelait quand sa grand-mère écoutait cette chanson. Elle lui disait "écoute, écoute bien, la musique, les instruments ...." et les yeux fermés, elle écoutait chanter les instruments de musique plus que le chanteur lui-même.

C'était une partie de son héritage, l'héritage qu'elle a transmis à ses enfants et à ses petits-enfants, la culture. 

Nous en parlons beaucoup, de cet héritage qu'elle nous a laissé, dans l'éducation qu'elle nous a donné et c'est le plus bel héritage qui soit : l'ouverture au Monde et à la culture, sans à priori, sans réserve, sans limite. 

"ne dis pas que tu n'aimes pas si tu ne l'as pas goûté", cette phrase typique d'une mère à son enfant qui ne veut pas manger le truc bizarre dans son assiette, elle l'appliquait aussi à la culture. Il y a toujours eu des livres à la maison, de la musique, des vidéos et tous les supports possibles, livres papiers, cassettes audios, vinyles et CD.

Et chacun d'entre nous a développé ce qu'il appréciait le plus, sans se fier aux modes et aux époques. La musique classique côtoyait les Beatles, Johnny Halliday, Annie Cordy et Jacques Brel, les opéras se frottaient aux comédies musicales. En littérature, les classiques anciens  et contemporains s'alignaient sur les mêmes étagères que les livres de guerre, les romans policiers, les histoires de vie et la poésie. "Le jour le plus long" et "La grande vadrouille" se serraient contre "Barnaby", "Alien" et "Harry Potter".

En rangeant la maison, je retrouve cet éclectisme culturel : Tolstoï, Marcel Pagnol et Victor Hugo rejoignent dans les cartons, Jules Verne, Exbrayat et Françoise Dorin. La collection complète des Angéliques s'aligne à côté des Agatha Christy. Je réalise alors la chance que j'ai eu, d'avoir cette possibilité, ce choix culturel sans limite.

Je regarde mes propres étagères et j'y retrouve cet éclectisme familial. C'est le plus bel héritage que pouvait nous transmettre Maman, un héritage sans droit de succession, qui ne se divise pas mais se multiplie, qui ne se vend pas mais se donne et se partage.

Merci Maman

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Commentaires
B
Toutes mes condoléances Christine. Ce texte est magnifique. Quel bel hommage à votre maman, et une certaine consolation de voir que cet héritage se perpétue...
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C
Quel bel hommage que vous lui rendez là... et comme c'est joliment dit. Bon courage pour la suite.
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