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Le blog d'une généalogiste
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2 mai 2018

Un jour, la mort a frappé à la porte

faucheuse

Juste avant Noël 1758, la mort entre dans la paroisse du Tilleul, Seine-Maritime, et frappe à la porte de Charles Martin et Marie Catherine Lechevallier, emportant, en premier, leur fils Charles, huit ans. Sept jours plus tard, Guillaume, quatre ans, le 30 décembre, puis Charles Thomas, deux ans, le 31, meurent à leur tour. Louis, cinq ans et demi, puis Jean Baptiste Pierre, dix-sept mois, disparaissent, au cours du mois de janvier. Charles et sa femme n’ont plus d’enfant que la mort puisse leur prendre, alors elle quitte leur maison, pour aller frapper à la suivante, celle de Pierre Nicolas Rolleville et Marie Anne Martin, leurs cousins.

En l’espace de sept jours, ils perdent leurs trois plus jeunes enfants. Pierre, treize mois, part le premier, le 31 janvier, suivi le 6 février par Marie Marguerite, six ans, et Pierre Nicolas, quatre ans. Miraculeusement, les deux aînées, Marie Anne, neuf ans, et Marie Rose, huit ans, survivent à l’épidémie. Leur père, malheureusement, rejoindra dans la tombe ses trois petits, cinq mois plus tard, le 10 juin. Il a trente-cinq ans.

Épargnant les deux enfants restants, la mort change de domicile et rejoint celui de Pierre Riard et Catherine Lenoir. Mariés depuis 1747, ils ont sept enfants lorsque l’épidémie les atteints, dont Marguerite Rose, née le 17 janvier, alors que la maladie est déjà là. Marie Anne Elisabeth, sept ans, est la première à mourir, le 15 février, suivie par son frère, Nicolas, deux ans, le 17, puis Marie Catherine, dix ans, le 18 et enfin Anne Marie, cinq ans, le 22. Miraculeusement, Jean Baptiste Pierre, neuf ans, et le bébé, Marguerite Rose, sont épargnés.

La mort change de logis. Difficile de savoir si Pierre Joseph Bredel, trois semaines, meurt de l’épidémie, le 5 mars, car il est le seul de sa fratrie à décéder. De la même manière, Jacques Michel Delamare, cinq ans, seul enfant de Pierre Delamare et Susanne Leduey, est emporté, le 21 mars.

Avant d’attaquer la maison suivante, la mort prend Jeanne Angélique Rose Piedfort, trois ans, fille de Charles Piedfort et Catherine Lebas. Elle leur laisse, temporairement, Marie Catherine, dix ans, et Charles, sept ans, mais reviendra prendre la mère, le 9 mai 1759 et le petit Charles, le 23 janvier 1760, dernière victime de l’épidémie.

A partir du 25 mars 1759, la famille Jouen devient la cible de la grande faucheuse. Mariés depuis 1741, François Jouen et Marguerite Leseigneur ont sept enfants, dont un bébé, Anne Marguerite, née le 26 février. Un mois après sa naissance, le mort leur prend leur fils aîné, François, dix-sept ans, puis Guillaume Michel, un an, le lendemain, Jean Baptiste, quatre ans, deux jours plus tard, Anne Marguerite, douze ans, le 30 mars et enfin Marie Anne, six ans, le 1er avril. Elle leur laisse Anne Françoise, dix ans, et le bébé.

Chaque jour qui se lève, entend les cloches de l’église sonner le glas, presque sans répit. Il est facile de suivre la mort à la trace, de maison en maison.

Le 6 avril, François Gosset, fils de Guillaume Gosset et Marie Leporc, avant dernier de la fratrie, décède à l’âge de dix ans. Sa mort semble marquer la fin de l’épidémie, mais celle-ci reprend de plus belle en mai.

Les deux aînés de Louis Argentin et Marie Feuilloley, Louis Thomas, quatre ans, et Marie Rose, trois ans, décèdent le premier mai. La mort épargne Marie Angélique Thérèse, née en pleine épidémie, le 20 mars 1759, et continue son chemin vers la maison des Quibeuf.

Nicolas Quibeuf et Françoise Horlaville sont mariés depuis 1749 et ont cinq enfants. La mort leur prend les deux plus jeunes, Marie Françoise, quatre ans, et Marie Thérèse, vingt mois, le neuf mai.

Elle tue Guillaume Lebas, vingt-deux ans et Marguerite Avenel, cinquante-six ans, le 21 mai, et Françoise Hauchecorne, quatre-vingt-quatre ans, le 27.

Le 28, elle attaque la maison des Hanin en s’emparant de Louis Denis Duvicquet, sept ans, bourgeois du Havre en pension chez eux. Elle prend également les deux plus jeunes enfants de Pierre Hanin et Catherine Argentin, Denis François, cinq ans, le 5 juin, et Marie Marguerite, treize ans, le 15 du même mois.

Morts « normales » ou victimes de l’épidémie, ce mois de juin est fatal le 10, à Pierre Nicolas Rolleville, trente-cinq ans, père de deux victimes, le 15, à Pierre Boivin, soixante-douze ans, et le 19, à Jean Baptiste Baudu, vingt-six ans.

Et c’est le tour de la maison des Lahure. Le glas sonne pour Marie Lahure, cinq ans, le 21, et Anne Rose, treize ans, le 24 juin, les deux plus jeunes filles de Pierre Lahure et Michelle Argentin.

A partir de là, la mort s’éparpille et frappe un peu partout : le 27 juin, Robert Paumelle, quarante-quatre ans ; le 1er juillet, Jacques Boudu, vingt-neuf ans, frère de Jean Baptiste, décédé deux semaines plus tôt ; le 10, Marie Anne Vauchel, cinquante-quatre ans ; le 11, Marie Vennet, soixante-douze ans ; le 24, Guillaume Gosset, vingt-huit ans, frère de François, mort en avril ; le 18 août, Louis, un domestique de dix-neuf ans ; le 5 septembre, Pierre Argentin, cinquante-deux ans ; le 16, Marie Marguerite Lefebvre, dix-huit ans, fille de Charles ; le 28, Adrien Lambert, sept ans, fils de Marie Anne Vauchel, décédée le 10 juillet ;le 11 octobre, Angélique Lefebvre, huit ans, fille de Pierre ; le 29, Marie Françoise Argentin, vingt-et-un ans, fille de Guillaume ; le 11  novembre, Pierre Samson, cinquante-cinq ans ; le 21, sa femme, Madeleine Horlaville, cinquante-six ans, et Marie Anne Rose Quibeuf, dix jours, fille de Jean.

La fin de l’année ne met pas fin à l’hécatombe, qui se poursuit tout le mois de janvier : le 4, Charles Baptiste Enault, deux jours ; le 5, Charlotte Baudu, sept ans, fille de Noël ; le 7, Marguerite Gosset, quatre ans, fille de Jean, et Marie Rose Couillard, dix jours, fille de Nicolas ; le 15, Marie Jeanne Quibeuf, sept ans, sœur de Marie Anne Rose, et Jean Martin, quarante-quatre ans, oncle des premières victimes ; le 16, François Quibeuf, quatorze ans, frère de Marie Jeanne et Marie Anne Rose, et enfin, Charles Piedfort, huit ans qui semble clore cette sinistre série.

Il n’y aura qu’un mort en février, Susanne Lebas, soixante-quinze ans, le 26 février, suivi de loin, le 3 avril, par Denis Gosset, huit ans, fils de Guillaume et Marie Leporc.

Depuis le début de l’épidémie, entre le 23 décembre 1758 et le23 janvier 1760, la mort a emporté soixante-et-un habitants du Tilleul, dont quarante-deux enfants. L’épidémie n’est probablement pas responsable de tous les morts, mais pour une paroisse qui compte en moyenne quinze morts par an, c’est une véritable hécatombe qui touche toutes les familles.

Et malgré tout, la vie continue. Pendant l’épidémie, vingt-cinq bébés naissent dans la paroisse, dont un seul décède, et dix couples se marient. Neuf bébés naissent entre le 26 février 1760 et le 3 avril 1760, sans qu’aucun décès ne vienne remplir le registre paroissial, une célébration de la vie après tant de chagrin.

Mais quelle est cette maladie qui décime les enfants mais épargne les bébés ? Qui emporte les hommes bien plus que les femmes ? Et d’où vient-elle ?

La lecture des registres des paroisses mitoyennes ne montre aucune incursion « explosive » de la mort……… sauf dans la paroisse de Pierrefiques où les six morts annuels passent à vingt-huit en 1759 et dix-sept en 1760. L’épidémie ne vient pas de Pierrefiques, car elle n’atteint la paroisse qu’à partir du mois de mai 1759, mais semble bien être partie du Tilleul.

La mort est repartie, laissant dans son sillage des foyers endeuillés. Mais la vie est la plus forte, et de nouvelles naissances viennent combler le vide laissé par toutes ces victimes ….. Combler, pas remplacer. Rien ne saurait remplacer ceux qui ont disparu.

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