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12 novembre 2021

K comme le Kilomètre 22

Ligne Blois-Château-Renault

Le 10 novembre 1907, il fait un temps de … novembre. Un brouillard dense couvre la campagne. Sur la ligne de Tramway Blois-Château-Renault, le train 23, composé d’un fourgon et de trois voitures, arrive à la station de Coulanges, venant de Blois. Il doit y croiser le train 24, qui vient de Château-Renault, mais aucune trace de celui-ci.

M. Marchand, le chef du train 23 attends pendant trente minutes l’arrivée du 24. Mais rien. Alors le train 23 reprend sa route avec prudence, jusqu’à Chambon. Arrivé là, Marchand envoie un bicycliste jusqu’à Molineuf prévenir que le train 24 doit les y attendre. Une fois le message délivré et le bicycliste revenu, le train 23 repart.

Arrivé à Molineuf, le chef du train 23 télégraphie à Desloges, chef de station à Herbault, pour savoir où est passé le 24 et en retour de télégraphe, il apprend que ce train a déraillé vers Saint-Nicolas-des-Motets.

Mais déraillement ne veut pas forcément dire quelque chose de grave. Cela arrive régulièrement qu’un tramway déraille. Il est remis sur ses rails et repart.

C’est pour cela que Marchand demande que le train 24, s’il arrive à Herbault avant eux, les attende. Le train 23, pour sa part, quitte Molineuf à 9h17, avec 56 minutes de retard.

Lorsqu’il arrive à Herbault, le 24 n’est toujours pas là. Après un arrêt de cinq à six minutes, le chef de station leur donne l’ordre de partir et d’aller jusqu’à Saint-Nicolas-des-Motet, avec prudence, et il accompagne lui-même le train.

Le brouillard est très épais. Il est impossible d’y voir à plus de quarante mètres et Bergerioux, le mécanicien fait avancer la machine avec beaucoup de prudence. Il n’est pas tranquille. A plusieurs reprises, il s’inquiète de la situation auprès du chauffeur du train.

A 10h15, arrivé au km 22, malgré la vitesse mesurée, un énorme choc se produit et stoppe le train. Il vient de tamponner le train 24. Le mécanicien ne l’a vu qu’au dernier moment. Le train descendait une légère pente à ce moment-là et bien qu’il ait renversé la vapeur, le choc a été inévitable. Les tampons des deux machines sont brisés.

A bord du 23, deux voyageurs sont blessés, heureusement sans gravité. M. Richard, voyageur de commerce demeurant 15 place du château, à Blois, et Sevault, ouvrier, demeurant 10 rue Fontaine-des-élus également à Blois. Ils ont surtout des coupures à la tête provoquées par les morceaux des vitres qui ont volé en éclats.

A bord du 24, le chauffeur et le mécanicien sont éjectés, le premier dans le fossé, le second sur la route, mais sont indemnes. Le chauffeur de nuit détaché à Château-Renault, Tanvier, qui était dans le fourgon du train, est grièvement blessé à la tête. Il se rendait à Blois, dans sa famille. Bien qu’il ait vu venir le train 23 et qu’il ait essayé de se protéger en s’appuyant contre le coffre, les bras protégeant sa tête, il est sérieusement touché, perdant du sang par le nez et les oreilles. Une voiture va le transporter à Herbault, puis à Blois.

Heureusement, il y avait peu de voyageurs dans les trains, une quinzaine pour le train 23 et seulement 7 pour le train 24. Ce dernier rentrait à Blois avec le matériel du train 27 de la veille, jour de marché à Blois, d’où le nombre élevé de voitures et le faible nombre de voyageurs.

Que s’est-il passé ?

Le train 24, composé d’un fourgon et de cinq voitures, est parti de Château-Renault par un épais brouillard. Arrivé à Saint-Nicolas-des-Motets, Jousset, le mécanicien, aperçoit l’aiguille de Saint-Nicolas entrebâillée, la lentille en l’air, à une dizaine de mètres.

Il bloque ses freins, pendant que le chauffeur saute du train pour aller la maintenir mais il tombe et le train arrive avant lui à l’aiguille et déraille des six roues. Il faudrait normalement environ une heure, au personnel du tramway, pour remettre la machine sur les rails. Cottereau, le chef de train, téléphone à Blois-Poudrière pour avertir le train 23 de l’incident et l’informer que le croisement se ferait à Herbault. Mais il leur faut près de trois heures pour réussir à relever la machine. Pendant ce temps, aucun ordre contraire ne leur parvient, aussi, le chef de train décide de continuer sur Herbault pour y faire le croisement avec le 23, qui, pour lui, les attend là-bas.

Vers le kilomètre 22, à cause du brouillard, le mécanicien et le chef de train n’aperçoivent le train 23 qu’à quarante mètres de distance. Le mécanicien siffle, freine, débloque ses freins, met sa marche en arrière et commence à refouler, mais, impossible pour eux non plus d’éviter la collision.

Après concertation entre les mécaniciens et les chefs de trains, le 23 recule jusqu’à Herbault, pour laisser le passage au train 24. Il en repart à 10h45 et arrive à destination, Château-Renault, à 11h32.

Le train 24, pour sa part, va avancer lentement jusqu’à Herbault, protégé par un homme à bicyclette muni d’un drapeau, qui avance devant lui, de crainte de rencontrer un train de ballast. Il y arrive à 10 h 40.

L’enquête s’annonce sérieuse. Des ordres n’ont pas été donnés, d’autres n’ont pas été respectés. La procédure indique que le train 23 aurait dû, soit n’attendre que 15 minutes à Herbault et rejoindre Saint-Nicolas-des-Motets, soit y rester. Dans les deux cas, il n’aurait pas dû être sur la voie en même temps que le 24. Quand au train 24, il aurait dû rester à Saint-Nicolas-des-Motets et attendre le passage du train 23.

Pour l’anecdote, le message informant Blois du déraillement du train 24 a eu un cheminement particulier. Le conducteur du train 24, par téléphone, depuis Saint-Nicolas-des-Motets, a appelé M. Chouard, des Grands-Moulins de Blois. Ce dernier a envoyé un de ses employés à la station de Blois-La Poudrière, à l’attention de Boucher, chef de la station. Ce dernier a, à son tour, demandé au chauffeur Brizou d’aller à la gare Saint-Lazare pour répéter le message au chef de cette gare et l’informer de son départ immédiat (celui de Boucher). Il a pris sa bicyclette à 6h45, pour Coulanges, à dix kilomètres, où il n’a pas réussi à voir le train 23, qui venait de quitter cette station depuis près d’une demi-heure. Ne pouvant rien faire de plus, il a attendu le train 24 pour rentrer à Blois.

Pendant ce temps, le chef de la gare Saint-Lazare a téléphoné, vers 9h15, au receveur des postes d’Herbault, pour prévenir du déraillement du train, mais le message est mal passé. Il a dû répéter à plusieurs reprises le mot Saint-Nicolas, Desloges n’entendait rien. Et quand Desloges parlait, le chef de Saint-Lazare n’entendait rien !!!!

Faute d’ordres, il ne fit rien de plus.

Le 12 novembre, les nouvelles des blessés ne sont pas toutes rassurantes. Tanvier est soigné par deux médecins qui craignent une lésion du crâne et ne peuvent se prononcer avant quinze jours. Il sera soumis aux rayons X le 18.

Les blessures de Richard, soigné par le docteur Mornet, lui occasionnent quinze jours d’incapacité de travail. Sevault, lui, s’en tire avec des blessures au front sans gravité.

Quand aux sanctions, le mécanicien Jousset est jugé responsable du déraillement du train 24 et révoqué. Le chef de train Cotterau aurait dû subir la même peine, mais, ayant été antérieurement blessé en service, il n’est que rétrogradé avec diminution de traitement. Il redevient homme d’équipe. Le personnel du train 23 ne subit aucune sanction.

Etonnamment, même si le rapport indique que le déraillement est la faute de l’agent chargé de l’aiguillage, aucune sanction ne lui est adressée. Il faut dire qu’il n’est responsable que du déraillement, pas de la collision, même si, il n’y aurait pas eu collision sans le déraillement.

PS : la carte est tirée du site 

archéoferroviaire

Loir-et-Cher, Indre-et-Loire 40 km Gares : Blois-Les Lices (correspondance à Blois-Chambord pour Orléans, Tours, Romorantin et Vendôme), Blois-Poudrière, Carrefour-de-l'Hermitage, Carrefour-Gaston-d'Orléans, Coulanges, Chambon, Bury, Moulineuf, Orchaise, Herbault, Saint-Etienne-des-Guérets, Saint-Nicolas-des-Motets, Saunay, Château-Renault-Saint-Malo, Château-Renault-PO (correspondance pour Vendôme, Tours, Montoire, Vouvray et Port-Boulet) Ligne ouverte en 1907 et fermée en 1933 Compagnie des Tramways du Loir-et-Cher (TLC)

http://archeoferroviaire.free.fr

 

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