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18 novembre 2018

Challenge UPro-G : Louise Drapier et le martyr de Longuyon.

Lorsque j’ai commencé mes recherches pour le Challenge de Novembre d’UPro-G, je ne savais pas trop par quel bout prendre le sujet : « une femme Morte pour la France ».

J’ai commencé par aller sur Mémoire des Hommes, mais le choix par sexe d’existe pas, alors j’ai essayé des prénoms féminins, au hasard : Simone, Jeanne, Marie, etc.

Puis, Google étant mon ami, j’ai tapé des mots clés « femmes Mortes pour la France » et j’ai survolé quelques sites jusqu’à ce que mon œil soit attiré par Louise Drapier, fusillée le 24 août 1914 à Longuyon. Cela m’a rapproché de mon thème du Challenge AZ et des disparus de Signeulx. Le 24 août, l’armée française est en déroute et se replie à la hâte, laissant derrière elle, sur le champ de bataille, les morts, les blessés, et … les civils. Longuyon étant sur leur route, le 113e a forcément traversé la commune en fuyant. Et l’artillerie française a forcément tiré sur Longuyon pour couvrir la retraite de son armée.

Malheureusement pour eux, les civils sont restés, du moins en partie. Mais qu’est-ce qui a pu justifier que cette femme soit fusillée et ait droit à l’appellation « Mort pour la France » ?

Et j’ai découvert l’horreur, l’horreur de la guerre, que j’avais jusqu’ici toujours associée à Oradour, Maillé et Tulle : le massacre des civils par une troupe de soudards ivres d’alcool et de puissance.

Le dimanche 23 août 1914, au lendemain de la bataille de Signeulx et de la victoire des allemands, les troupes appartenant aux 22e, 122e, 125e et 156e régiment d’infanterie allemande font leur entrée à Longuyon. Ils prennent dix-huit notables en otage, pour garantir le calme des habitants et s’installent dans la commune.

L’horreur commence dès le lendemain. L’alcool a certainement circulé toute la nuit, mais n’explique pas tout. Le pillage de la ville est intégral. Des femmes sont violées. Des enfants sont tués sous les yeux de leur mère. Les allemands mettent le feu aux maisons où les habitants se terrent dans les caves. Lorsqu’ils essayent de sortir, asphyxiés par les fumés, ils les renvoient dans les flammes où ils périssent, brûlés vifs.

Malheur à celui qui est dans la rue, malheur à celui dont la maison brûle, malheur à celui qui essaye de s’enfuir : ils sont abattus sans tenir compte de leur âge.

Comment imaginer, après cela, que les soldats allemands vont mieux traiter les soldats français blessés, restés au bourg. Ils sont brûlés vifs à leur tour.

Pour « cacher leurs crimes », les allemands rassemblent vingt-et-un jeunes garçons, de seize à dix-huit ans, pour qu’ils enterrent les morts. Un fois cette sinistre tâche achevée, ils sont alignés contre le mur d’un bâtiment des casernes et fusillés.

Ces meurtres qui n’ont plus rien à voir avec la guerre, vont se poursuivre durant plusieurs jours. Longuyon n’est pas la seule commune à souffrir de la sorte, les bourgs alentours subissent le même sort.

Heureusement, de nombreuses familles avaient fui avant l’arrivée des allemands. Mais, pour cette raison, de nombreuses victimes ne purent être identifiées et furent ensevelies sous les décombres des maisons incendiées. Deux cent treize maisons ont été incendiées.

Longuyon va rester occupée jusqu’à la fin de la guerre, jusqu’à l’Armistice.

La lecture des témoignages recueillis par la commission chargée de constater les exactions des allemands contre les civils, est effroyable.

Plus de cent cinquante personnes ont été fusillées durant ces journées terribles, dont vingt-cinq enfants faisant parti de la Croix-Rouge.

Parmi ces fusillés figure Louise Drapier, vingt-six ans, native de Ville-Houdlemont. Son acte de décès ne sera dressé que le 7 août 1920, soit six ans après sa mort. L’acte sera confirmé par un jugement, le 23 mars 1922, par le tribunal de Bricy. Louise Drapier est officiellement « Morte pour la France ».

Si quelques noms sont donnés dans ces témoignages, toutes les victimes ne sont pas nommées. La seule mention pouvant s’apparenter à Louise est l’incendie du Café Drapier. S’agissait-il du café de sa famille ?

En 1911, les parents de Louise, Jacques Alexis Drapier et Léonie Alice Chapuis, vivent à Saint-Pancré. Elle est leur fille aînée. Ils y vivent encore en 1919, mais plus en 1921. Il n’y a pas d’autre Drapier figurant parmi les victimes identifiées.

Dans le bulletin de Meurthe-et-Moselle, paru le 14 septembre 1915, dans la rubrique « personnes recherchées », j’apprends que Louise Drapier, de Longuyon, est recherchée par Paul Dorchaizenet, soldat au 6e régiment d’Artillerie à pied, 9e batterie territoriale, Groupe Vosgien 6. S’agit-il de son fiancé ?

Dans le même journal, Jules Carquin, militaire au 164e d’infanterie, cherche des nouvelles de la famille Carquin.

Marcel Hubert et Paul Théophile Carquin figurent parmi les victimes du 24 août 1914. Leur mise à mort est consignée dans les témoignages recueillis. Agés de dix-sept et quinze ans, ils ont été arrachés à leur mère, chassée avec son jeune fils de dix ans, et fusillés avec M. Bossler, cinquante-ans.

Paul Dorchaizenet va survivre à la guerre. Originaire de Greucourt, en Haute-Saône, il vivait à Longuyon avant d’y partir. Était-il le fiancé de Louise ? Démobilisé le 23 mars 1919, il part s’installer à Etampes. Il s’y mariera le 12 mars 1921, avec Marie Hélène Galissot, avant de partir s’installer à Nervezain, dans son département d’origine.

Le nom de Louise est gravé sur le Monument aux Morts de Saint-Pancré, et sur celui, cantonal, de Longuyon.

Louise Drapier est une victime parmi toutes les victimes civiles de cette guerre, mais toutes n’ont pas le droit à l’appellation « Mort pour la France ». Il a fallu que certaines municipalités se battent pour qu’elles en bénéficient.

Et que dire du martyre des soldats français blessés, brûlés vifs au mépris de toute convention internationale protégeant les civils et les militaires blessés ou prisonniers.

Les fiches MPF sont laconiques : mort de ses blessures. Parfois l’hôpital est indiqué, souvent non. Combien parmi ces blessés morts des suites de leurs blessures ont en réalité été achevés, massacrés par les soldats allemands ?

Quelles souffrances se cachent derrière ces simples mots écrits sur des fiches cartonnées ?

Il n’y a pas de noms derrières les témoignages : vingt, trente, quarante soldats français étaient là, étendus sur la paille, blessés. Ils sont morts, fin de l’histoire.

Ils sont tous réunis sur le monument : morts civils et militaires : Morts au Champ d’honneur. Mais où est l’honneur là-dedans ? « Morts en martyr » serait une phrase plus juste pour ce que les victimes ont subi.

Longuyon Monument aux Morts

Civils ou Militaires, ne les oublions jamais.

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Commentaires
T
Mes grands oncles Auguste et Marcel Thomas faisaient partis des 21 jeunes fusillés aux casernes.
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