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1 novembre 2021

A comme l'Arrêt de la gare d'Orchaise

Le 7 décembre 1907, à 6 h 57 du soir, sur la ligne de Blois à Château-Renault, le train 27 de la compagnie des tramways du Loir-et-Cher, arrive à la gare d’Orchaise, avec huit minutes de retard.

Ce train ne comporte que quatre voitures. A bord de l’un d’elle, se trouve Alexandrine Mansion, née Gallois, d’Orchaise. La voiture dans laquelle elle avait pris place a été laissée à Molineuf, elle a dû en changer. Elle est montée en 1ère classe, avec Marie Georges Durand, propriétaire à Saint-Etienne-des-Guérets, et son fils, Jacques. Plusieurs autres personnes occupent le wagon : Léopold Jarry, Charles Pauchet, Nicolas Daridan, tous trois d’Orchaise, comme elle, Joulain, d’Herbaut, et deux militaires. S’ils sont dans la même voiture, ils occupent le compartiment de seconde classe, situé du côté de la locomotive.

Charles Pauchet et Nicolas Daridan, tous deux beaux-frères, ont travaillé toute la journée dans la forêt de Blois. Ils ont pris le train ensemble, à Molineuf.

A l’arrêt d’Orchaise, le chef de train, Marchand, descend et appelle une fois « Orchaise ». Il attend le temps réglementaire pour faire repartir le train. Pendant ce temps-là, le chauffeur, Brizou, nettoie son feu, comme les chauffeurs sont obligés de le faire après avoir franchi la rampe de Molineuf, puis recharge le foyer de la locomotive en charbon. Le mécanicien, Fournier, pour sa part, qui avait resserré une bielle de gauche, dans l’après-midi, descend du train pour voir si elle ne chauffe pas. Il en profite pour soulager sa vessie dans le fossé voisin.

L’agent de la gare d’Orchaise, M. Née, pendant l’arrêt, se rend jusqu’au fourgon pour voir s’il faut descendre des bagages, puis, va jusqu’au bout du train, en longeant les quatre voitures.

Le chef de train ne voyant aucun voyageur descendre, remonte dans le train et donne le signal de départ. Le tout a duré au moins deux minutes.

Le mécanicien remonte et le train repart.

Pourtant, à bord, quatre voyageurs sont arrivés à destination et ne sont pas descendus. L’agent d’Orchaise le sait. Il s’en étonne.

Alexandrine Mansion, qui a lié conversation avec M. Durand, ne s’est pas rendu compte que le train est arrivé à Orchaise. Elle croit, comme les autres d’ailleurs, être à la Fosse, un arrêt conditionnel, situé entre Molineuf et Orchaise, à 1189 mètre avant la station. Personne n’a entendu appeler le nom de la station. Mais le vent souffle fort ce soir-là.

Léopold Jarry, cinquante-cinq ans, marchand de bois à Orchaise, réalise le premier qu’ils sont arrivés à destination, mais que le train repart. Il s’écrie « mais c’est Orchaise », ouvre brusquement la portière et saute du train. Nicolas Daridan le suit ainsi que son beau-frère, pendant qu’Alexandrine Mansion rassemble ses paquets, trois petits colis qu’elle n’a pas voulu mettre dans le fourgon à bagage. Le temps qu’elle traverse le compartiment des secondes classes et les rejoigne sur la plateforme, elle voit Nicolas Daridan sauter et disparaître sous le train. Elle retient in-extremis Charles Pauchet qui veut sauter à son tour, et crie pour arrêter le train, mais le personnel ne l’entend pas.

Arrivée à la gare d’Herbault, la femme reproche au chef de train de ne pas s’être arrêté suffisamment longtemps et prévient qu’un homme doit être tombé sous le train. Mais visiblement elle n’est pas écoutée par le personnel qui n’entame aucune démarche, ni recherche.

Pendant ce temps, à Orchaise, l’agent du chemin de fer rencontre le jeune Emilien Breton, âgé de quatorze ans. Il est venu à la rencontre d’un de ses oncles, réserviste, mais ce dernier n’est pas descendu du train. Alors qu’ils cheminent tous deux le long de la voie, ils aperçoivent un homme, au niveau de la plaque de signalisation de la station. C’est Léopold Jarry, le marchand de bois. Il n’est pas très content et se plaint que l’arrêt n’a pas duré plus d’une minute et qu’il a dû sauter du train en marche.

La pluie tombe et le vent souffle fort. Les trois hommes repartent. Ils n’ont rien entendu.

Nicolas Daridan a pourtant bien sauté après Léopold Jarry, mais il est tombé sur la voie et a eu la jambe écrasée. Le pauvre homme est là, sur la voie ferrée, se vidant de son sang, seul dans la nuit.

A Herbault, Alexandrine Mansion et Charles Pauchet, restés à bord du train, malgré eux, doivent prendre une voiture pour retourner à Orchaise. Ils ont failli écoper d’une amende pour défaut de billet, mais le chef de gare a bien voulu entendre leur plainte à propos du temps qui leur a manqué pour descendre à Orchaise.

M. Armand les conduit à bon port dans une voiture attelée. Arrivés en face de la station d’Orchaise, à l’origine du petit chemin que doit prendre Charles Pauchet pour rentrer chez lui, à Touche-Moreau, Alexandrine Mansion entend appeler. C’est Nicolas Daridan qui appelle à l’aide. Il est toujours étendu sur la voie.

Adrien Mansion, venu à la rencontre de sa femme vient d’arriver. M. Armand et Adrien Mansion chargent le pauvre blessé dans le véhicule. Son beau-frère est tellement choqué qu’il ne peut les aider, et c’est Alexandrine Mansion qui doit tenir le cheval, pendant que l’on porte le blessé dans la voiture. Ils le conduisent aussitôt chez lui, à Touche-Moreau, où l’attend sa femme, Madeleine Pauchet, la sœur de Charles.

Lettre A - Orchaise

Le docteur Brettmon d’Herbault, est appelé et lui prodigue les premiers soins. Son tibia et son péroné gauches sont broyés, irrécupérables. Il doit être emmené à l’hospice de Blois pour y être amputé de la jambe. Le 8 décembre, vers neuf heures, soit plus de douze heures après l’accident, Nicolas Daridan, est emmené à l’hospice de Blois. Mais, malgré son âge, soixante-sept ans, il supporte bien le voyage.

Le jour venu, l’agent d’Orchaise, prévenu des faits, constate la présence du sang de Nicolas Daridan répandu sur le cœur du croisement au Km 15+300 de la ligne, soit quarante-sept mètres après le départ du train. Un des sabots du pauvre homme se trouve encore sur les lieux, brisé. C’est seulement à ce moment-là que la compagnie des tramways est avertie de l’accident. Aucun employé n’a relayé l’information d’Alexandrine.

Que s’est-il passé ?

D’après les témoignages, les voyageurs ont cru être arrivés à la Fosse, qui est un arrêt conditionnel, situé entre Molineuf et Orchaise, à 1189 mètre avant la station. Mais, circonstance aggravante, d’après Marie Georges Durand, présent avec son fils, Jacques, Charles Pauchet et Nicolas Daridan étaient ivres en montant dans le train.

En attendant, les témoignages ne concordent pas. Si les agents du chemin de fer disent que l’arrêt a duré environ deux minutes, les voyageurs n’en démordent pas, il a duré à peine une minute. Du moins, c’est le témoignage des voyageurs pour Orchaise. Marie Georges Durand et son fils, après avoir indiqué que Charles Pauchet et Nicolas Daridan étaient ivres, ont ajouté que les 2nde classe faisaient beaucoup de bruit, ce qui les avaient empêcher d’entendre l’appel de la station. L’ivresse de Charles Pauchet va être confirmée par le chef de Station d’Herbault, Desloges, qui a bien vu deux personnes qui auraient dû descendre à Orchaise, se plaindre de n’avoir pas eu le temps de le faire, et que l’un d’eux était passablement émêché. Gaillard, menuisier à Herbault qui se trouvait dans le train, a confirmé que Charles Pauchet était complètement ivre et incapable de rentrer chez lui à pied.

Tous les autres passagers du train confirment que l’arrêt a été d’environ deux minutes.

Officiellement, le train doit arriver à 6h45, faire un arrêt réglementaire de 1 minute et repartir à 6h46. Mais le train était en retard. Il s’est arrêté dix minutes pour prendre de l’eau et se séparer de trois voitures. Il est arrivé avec huit minutes de retard à Orchaise. Ne voyant personne descendre, l’arrêt n’a pas été prolongé. Le seul reproche fait au chef de train, est de ne pas avoir appelé la station devant chaque voiture, comme le prescrit le règlement. Mais il était en retard !!!

Comme il est formellement interdit aux voyageurs d’entrer ou descendre du train en marche et surtout, d’y monter en état d’ivresse, la responsabilité de l’accident est imputée au pauvre Nicolas Daridan.

Le 21 décembre, soit quatorze jours après l’accident, Nicolas Daridan décède à l’hôtel-Dieu de Blois, à huit heures et demie du soir. Son beau-frère, Charles Pauchet, ira lui-même déclarer son décès à la mairie, le lendemain, à onze heures du matin.

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Commentaires
A
Comme d'habitude c'est un plaisir de vous lire. Ce challenge va être intéressant.
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S
Merci pour cet article. Grâce à quels documents avez-vous pu trouver ces faits ?
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T
Une bien triste histoire ! Mais racontée ainsi, dans le détail, c'est vraiment intéressant.<br /> <br /> Merci pour cet article.<br /> <br /> <br /> <br /> Thomas
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