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Le blog d'une généalogiste
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16 juin 2021

Une famille nombreuse

Le sujet du challenge UPro-G de Juin est « une famille nombreuse ». Mais qu’est-ce qu’une famille nombreuse ?

Est-ce une famille où sont nés beaucoup d’enfants ou une famille où ont vécu beaucoup d’enfants ?

En généalogie, nous savons que l’un ne va pas forcément avec l’autre.

Qu’est-ce qu’une famille nombreuse aujourd’hui ?

En 2021, pour bénéficier des « avantages » famille nombreuse, que ce soit au niveau du gouvernement ou de la SNCF, il faut avoir au moins trois enfants.

Pour ma génération, une famille nombreuse dépassait forcément les six enfants, puisque six était un nombre normal.

Les choses ont bien changé, mais la pilule est passée par là.

Avant, les parents ne se demandaient pas combien ils allaient avoir d’enfants. Ils ne le décidaient pas en fonction de la carrière de Maman, de la taille de la future voiture ou tout simplement du nombre de chambres dans le logement. Les enfants arrivaient, et puis c’est tout. Et bien évidemment, tous n’avaient pas droit à leur propre chambre, heureux encore lorsqu’il y avait une chambre pour les enfants et une pour les parents, au lieu d’une seule chambre pour tout le monde.

Depuis la nuit des temps, des méthodes plus ou moins fiables, plus ou moins efficaces, de contraception, ont existé, circulant sous le manteau, depuis le préservatif en peau de porc jusqu’à la méthode ogino pour finir avec la méthode extrême, l’aiguille à tricoter.

A la maison, nous sommes six, six bébés ogino !! Les méthodes ne fonctionnaient pas toujours.

L’arrivée des premiers bébés était accueillie avec bonheur. Une famille normale se devait d’avoir des enfants.

Passé deux, le choix du roi, puis trois et enfin quatre, les bébés étaient accueillis avec fatalité. Du moment qu’ils étaient en bonne santé et que la maman survivait aux multiples couches, on faisait avec.

Malheureusement, dans nos histoires familiales, nos cimetières sont remplis de femmes mortes en couches ou des suites d’un mauvais accouchement, de bébés morts à la naissance ou dans les jours qui ont suivi, de petits enfants morts de maladies infantiles et d’accidents domestiques, d’enfants morts tout simplement.

Il y a également des secrets de famille, pour lesquels les bébés des uns sont devenus les bébés des autres. La sage-femme qui allait de maison en maison était la garante de ces secrets.

C’est d’ailleurs un mystère que je n’ai toujours pas résolu. Ma mère me parlait souvent de la sage-femme qui l’avait accouchée de ses cinq derniers enfants : madame Duru. Une femme exceptionnelle, qui sillonnait la campagne à vélo pour, non seulement accoucher les mères, mais les suivre avant et après la naissance et suivre les bébés pendant plusieurs mois.

A une époque où les téléphones mobiles n’existaient pas, où très peu de foyers étaient équipés d’un téléphone, comment faisait-on pour savoir où elle était et la prévenir d’une arrivée de bébé ?

Remarquez, ma mère mettant en moyenne dix-huit heures à accoucher, on avait le temps de trouver madame Duru.

Aujourd’hui, ma famille serait considérée comme une famille très nombreuse, alors qu’à mon époque, nous étions juste une famille normale. Pourtant, Maman était persuadée qu’elle n’aurait que deux enfants. Raté !!

Je me souviens, à l’école primaire, nous étions pratiquement tous les derniers de grandes fratries, et nous regardions avec, à la fois, pitié et envie, les rares enfants uniques de la classe. Pitié parce qu’ils n’avaient personne avec qui jouer. Envie parce qu’ils n’avaient à partager avec personne : ni leur chambre, ni leurs parents, ni les gâteaux.

Nous étions pratiquement tous les petits derniers, signe que les temps changeaient déjà, puisque, après nous, les grandes familles, de six et plus, sont devenus exceptionnelles, puis ont disparu, avant d’être remises à l’honneur, ces derniers mois, par des émissions de télévision.

Que signifiait, de mon temps, une vie de famille nombreuse ?

D’abord une organisation sans faille dès le lever. Nous nous échelonnions par paquets de deux, en termes d’âge. Lorsque je suis allé à l’école pour la première fois, à l’âge de six ans, pour une courte maternelle, mon frère d’avant allait à la primaire, ma sœur et mon frère d’encore avant allaient au collège tandis que mes deux frères aînés allaient au lycée (costume cravate exigés dans le public pour les lycéens, blouse pour les autres).

A la maison, une seule salle de bain donc, un passage dans un ordre quasi militaire. Malheur à celui qui perdait son tour ou trainait un peu trop.

A cela s’ajoutaient les horaires de Papa évidemment. Papa qui réveillait tout le monde avant de partir pour son premier travail. Avec une grande famille, un seul salaire suffisait difficilement, alors, le soir, de retour à la maison, il entamait un deuxième travail, dessinant des plans pour un entrepreneur. J’adorais le voir dessiner, tracer ces drôles de lignes sur des calques, qui deviendrait des maisons, des usines, dessiner les petits arbres simulant les espaces verts, etc sans me rendre compte de toute cette fatigue accumulée, pour que ses enfants ne manquent de rien. Papa ne se plaignait jamais. Tout ce qu’il demandait, en échange, c’est que nous travaillions bien à l’école. Pour avoir un bel avenir, mais pas n’importe lequel, celui que nous nous choisirions.

Le petit déjeuner était tout aussi organisé, avec les restes de tartines et de bols qui atterrissaient dans la gamelle du chien. Le pauvre mangeait quatre fois par jour comme nous : petit-déjeuner, déjeuner, goûter et dîner. Il en a fait une indigestion.

Une fois tout le monde parti à l’école ou au travail, Maman pouvait enfin déjeuner avant d’entamer son marathon de la journée : lessive, courses, repas, ménage. Lorsque tout le monde arrivait à midi pour manger (pas question de cantine pour nous), tout était prêt. Et hop, on prend les mêmes et on recommence.

Les temps changent. A l’époque, acheter des vêtements déjà confectionnés était un luxe. Maman cousait pratiquement tous nos vêtements, et tricotait tous nos pulls.

Aujourd’hui, c’est le contraire, faire de la couture et tricoter sont devenus des loisirs de luxe. Bizarre non ?

Maman ne travaillait pas. Enfin, elle ne travaillait pas à l’extérieur, parce qu’à l’intérieur, c’était non-stop. Elle a eu sa première machine à laver le linge à la naissance de mon frère numéro 3. Une machine succincte mais bienvenue puisque ma sœur est arrivée l’année suivante.

Pourtant, elle arrivait à lire. Maman nous a fait aimer les livres. Il y en a toujours eu dans la maison, sur les étagères, sur la table, partout. Chaque fois que j’allais chez quelqu’un et que je ne voyais aucun livre, je ne comprenais pas comment cela pouvait être possible !!!

Lorsque la télé est arrivée, l’après-midi, elle s’octroyait une pause à 15 heures pour regarder Mannix.

Et puis le balai recommençait : préparer le goûter, surveiller les devoirs, préparer le repas et encore.

J’ai l’impression, avec le recul, d’avoir eu une maison magique. Tout était toujours prêt, propre, rangé, plié. Maintenant que j’ai pris la maison en charge, je me rends compte que c’était ma Maman qui était magique.

Avec cela, il fallait conjuguer le sport. Tout le monde faisait du sport, à commencer par Papa qui, tous les week-ends, allait courir après son ballon, d’abord de foot puis de rugby, jusqu’à plus de quarante ans. Comme si la masse de travail de Maman n’était pas suffisante, lorsque mon père et ses amis ont crée le club de Rugby RCB, elle a hérité des maillots de l’équipe à réparer. Heureusement, un « sponsor » s’occupait du nettoyage.

Pas un instant pour s’ennuyer dans une famille nombreuse. Il y avait toujours de l’animation, les frères et sœur entraient et sortaient, accompagnés de leurs copains. Des conversations s’entamaient, se poursuivaient, s’envolaient, se fracassaient, s’enflammaient. Les portes claquaient (ma sœur était un spécialiste du claquage de porte, tout un art). Et le chien…..

J’ai adoré faire partie d’une famille nombreuse, même si, étant la dernière, il y avait trop d’écart avec les aînés. Même si tout n’était pas rose, nous étions une famille heureuse.

J’aimerais croire qu’il en était de même dans toutes les familles nombreuses de mon arbre, mais cela, c’est une autre histoire.

J’ai appris que nous aurions dus être neuf. Je n’aurais pas été la petite dernière. Parfois, je me dis que j’aurais aimé cela. Et puis je pense au parcours de mes parents et à tout ce qu’ils ont sacrifié pour leurs enfants et je me dis, six, c’est bien.

Famille Lescène 1964

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Commentaires
R
Tellement vrai ! bel hommage à vos parents.
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