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Le blog d'une généalogiste
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31 janvier 2020

De l'assistance publique aux honneurs de la France

Ce mois-ci (oui, il est encore temps, nous sommes le 31), le défi d’UPro-G est d’écrire un article sur une personne déportée.

L’exercice est nouveau pour moi, qui ai plus l’habitude de travailler sur le XIXe siècle et début du XXe siècle que sur la suite, et plus sur 1870 et 14-18 que 39-45.

Mais nous arrivons, ou plutôt, depuis l’année dernière, nous sommes sur une commémoration en décennie, de la seconde guerre mondiale, alors autant s’y mettre tout de suite.

J’ai plusieurs possibilités qui s’offrent à moi, toutes restreintes car je ne peux me déplacer et que je dois utiliser uniquement les ressources à ma portée : le net.

Vue la période, je vais me heurter aux délais de communication en ligne (fichu CNIL !!!, l’un des pires ennemis du généalogiste).

Vais-je prendre au hasard, une personne sur le site des « mortsdanslescamps » ? Je n’aurai probablement pas assez de renseignements en ligne pour faire un article de plus de quelques mots.

Et puis, j’ai repensé à mon cadeau de Noël. En cherchant un cadeau pour mon frère, une plaque émaillée avec le mot « Bureau » écrit dessus (pas si évident que cela à trouver, du moins de la taille que je voulais), j’ai trouvé un site parfait pour cela : une sorte de « brocanteur » de quincaillerie.

Brocanteur est un mot magique de découvertes possibles. Je me suis promenée dans sa boutique virtuelle, et j’ai trouvé un truc qui m’a fait rêver : un diplôme de la légion d’honneur dans son étui.

Devinez : j’ai craqué et ce fut mon cadeau de Noël personnel. J’ignorais ce que j’allais recevoir (le propre d’un cadeau de Noël) et je ne fus pas déçue : un étui d’origine, avec l’adresse du récipiendaire encore dessus et, dans l’étui, le diplôme.

P1220063

Il s’agit de celui d’une femme, résistante et déportée. Voilà, j’ai mon sujet. Il n’ira malheureusement pas bien loin, en ligne, mais, une fois cet article écrit, j’aurai tout le temps d’affiner mes recherches d’une autre manière.

Voici donc, pas à pas, mes recherches en ligne sur Elise Lenoir.

Commençons par le commencement : l’étui d’origine. Il provient du Grand Chancelier de la Légion d’Honneur, adressé à monsieur Serge BARY, membre de la légion d’honneur, domicilié 28 rue Juliette Lamber, Paris XVIIe, à l’intention de Madame Eliane Lenoir. C’est un petit étui en carton rouge, de trente-cinq centimètres de long et quatre centimètres et demi de diamètre.

A l’intérieur se trouve le diplôme de 34x46 cm, en parfait état, avec le sceau en relief de la Grande Chancellerie.

P1220064

C’est très émouvant de dérouler ce diplôme. J’ignore tout de cette femme et de ce qui lui a valu cette légion d’honneur. Mais le simple fait de lire ces mots « Ancien Sous-Lieutenant des Forces Françaises Combattantes, Déportée-Résistante » ouvre la porte à des images tout droit tirées des films, comme « la guerre des ombres » et des reportages sur la dernière guerre sur le sol français métropolitain.

Ce diplôme d’Officier de la Légion d’Honneur lui a été délivré le 25 février 1966, pour prendre rang le 5 juin, par le président Charles de Gaulle, tout un symbole encore.

Mais qui était-elle ?

Elle s’appelait Elise Gilberte ANTOINETTE, femme Lenoir, née le 12 janvier 1891 à Rodez. Voilà les seuls renseignements que ce diplôme me donne.

Et c’est parti pour un petit tour sur le net.

Commençons par la base Léonore. Je sais que je n’aurai pas accès à son dossier, trop récent, mais je vais peut-être avoir quelques éléments de plus.

J’ai bien confirmation de ses date et lieu de naissance, avec le numéro de la notice et le lieu où elle est conservée. J’ai aussi, une autre information : le dernier document du dossier date de 1971, soit cinq ans après l’obtention de la légion d’honneur. Il y a de forte probabilité qu’il s’agisse de la clôture de son dossier. Elise est probablement décédée en 1971.

Mais continuons à avancer et reprenons les bases de la généalogie : son acte de naissance.

Direction : les archives en ligne des archives départementales de l’Aveyron.

Elise est née le 12 janvier 1891, à Rodez, 3 boulevard de la République, chez la sage-femme, Antoinette Marty, quarante ans. En réalité, elle est née Antoinette Elise Gilberte, sans nom de famille, fille de père et mère inconnus. La sage-femme lui a donné son prénom. Elle savait, elle, qui était la mère de la petite fille. Cette dernière l’a-t-elle jamais su ?

La vie commençait bien mal pour cette enfant. Il n’y a pas de mention marginale de décès, mais il y a celle de son mariage, le 19 février 1920, à Paris 16e, avec Françoise Lenoir.

Bien, il ne me reste plus qu’à faire un petit tour sur les archives en ligne de Paris, pour en savoir un peu plus sur la petite Elise dont le nom de famille va devenir ANTOINETTE.

Elise est domestique, à Paris, lorsqu’elle épouse Emile François Lenoir, comptable, et veuf depuis quatre mois. C’est un parisien de naissance, de dix ans plus âgé qu’elle. Il voulait être marin. Engagé volontaire en 1900, avant l’appel de sa classe, il a été réformé. Une scarlatine mal soignée lui a atteint le tympan, jusqu’à la perforation. Il ne fera pas non plus la première guerre dans l’armée active. Il devra se contenter de la 22e section d’infirmiers, à l’intérieur. Il avait épousé, le 27 juin 1908, Marie Stéphanie Uriet, sa première femme.

Son acte de naissance nous donne son décès, à Drancy, le 16 septembre 1964, soit deux ans avant que sa femme ne reçoive la légion d’honneur.

Il est temps, maintenant, de chercher pourquoi et comment elle a été déportée.

Commençons par un site familier : mémoire des hommes. La recherche globale porte un seul fruit, sur la base des titres, homologations et services pour faits de résistance.

Elise Gilberte Antoinette faisait parti du réseau TURMA-VENGEANCE. Son époux est également dans la base, comme déporté et interné de la résistance, faisant parti du réseau VENGEANCE.

Il s’agissait donc d’un couple de résistant. Ils ont, tous les deux, été déportés. Mais où ?

L’interrogation des diverses bases en ligne sur les déportés et les résistants m’apportent quelques précisions sur le couple. Mais c’est compliqué. Il existe de nombreuses bases de données, mais elles ne donnent pas toutes les mêmes noms.

Elise a été déportée le 19 avril 1944. Elle sera libérée par la Croix-Rouge, du camp de Mauthausen, le 22 avril 1945, soit un an après son départ. Elle est passée par Lbn, Br, Ra (Ravensbrück), puis Ma (Mauthausen).

Son mari, Emile, n’apparaît pas dans les bases consultées.

Par contre, sous le nom d’Elise, dans la base « Fondation pour la mémoire de la déportation », il y a celui d’Eliane Lenoir Le Rolland Pautonnier, née le 8 décembre 1920 à Paris. Elle a le même parcours de déportation qu’Elise, libérée un jour après elle. Mon imagination s’envole. Et si Eliane était la fille d’Elise ? Mariée en février, mère en décembre, c’est plausible. Mais Lenoir est un nom banal.

Je retrouve Eliane dans la base mémoire des hommes. Les deux femmes étaient dans le même réseau de résistance. Malheureusement, l’acte de naissance n’est pas consultable en ligne.

Je cherche d’autres bases sans les trouver, jusqu’à ce que je regarde s’il existe un site sur le réseau TURMA-VENGEANCE. Et là, c’est le Jackpot !!

Eliane, sous le pseudo de « Christiane », femme Pautonnier, est la fille d’Emile et Elise. Enfin, il est indiqué Emile père d’Eliane et Elise femme d’Emile.

J’y apprends que le pseudo d’Elise est « Patrick ». Suivant cette base de données, Elise et sa fille ont rejoint le réseau Turma et rejoint la France libre en avril 1943. Emile lui fait parti du réseau Evasion, comme sa femme d’ailleurs. Elle était dans deux réseaux différents. Il va falloir se pencher sur le sujet.

Il n’y a pas d’autres renseignements sur Emile. Sa fille était agent de liaison, sa femme également, ainsi que d’hébergement. Ils ont, tous les trois, été arrêtés le 11 novembre 1943, à Paris. Emile avait soixante-deux ans, Elise cinquante-deux ans, et leur fille vingt-trois ans.

Le père et la fille sont internés à Fresnes. Elise est, elle, condamnée à mort mais déportée.

La mère et la fille sont déportées le 2 août 1944, d’abord à la prison de Lobau, puis à Ravensbrück, puis Mauthausen. Emile, lui, est envoyé à Villeneuve St ?. Fichus sites qui ne donnent pas les abréviations qu’ils utilisent !! Rien n’indique qu’Emile ait été déporté.

C’est là que l’on voit la difficulté de travailler sur la seconde guerre mondiale : les sources sont nombreuses et lacunaires. Il faudra passer par le dossier du SHD pour avoir des précisions sur leurs parcours.

Je termine ma quête internet avec la base Arolsen. J’y trouve bien la mère et la fille, sous les numéros de prisonnier 2214 et 2116. Je n’y trouve pas Emile.

J’ai maintenant des numéros de dossier, des cotes d’archives, pour reconstituer le puzzle.

La petite Elise, née de parents inconnus, a été reconnue par la France, officier de la Légion d’Honneur. Une bien belle revanche sur une vie qui commençait si mal.

J’ignore quand elle est décédée, mais la base INSEE m’indique que sa fille, Eliane, est décédée le 14 novembre 2018, à Apt, dans le Vaucluse, à l’âge de 97 ans. Est-ce pour cela que le diplôme de légion d’honneur de sa mère s’est retrouvé chez un brocanteur ?

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