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21 septembre 2019

Il est toujours pendu et on attend votre arrivée pour le dépendre

"Il est toujours pendu et on attend votre arrivée pour le dépendre" : C'est par ces mots que le garde-champêtre de Nouan-le-Fuzelier, Denis Coquis, finit son compte rendu verbal fait au brigadier Paul Chat et à Léopold Duplan, gendarme à cheval, à la gendarmerie de Lamotte-Beuvron. Il est 13h30, le 17 avril 1892.

Un étranger au pays vient d'être découvert pendu à un sapin, sur le bord de la route nationale n°20, entre Mont-Evray et Remardan.

Sapiniere

Aussitôt, le juge de paix se rend sur les lieux, emmenant avec lui le docteur Hervé.

Effectivement, c'est à cinq ou six mètres de la nationale 20, dans une sapinière, sur le territoire de la commune de Nouan-le-Fuzelier. Quand les gendarmes arrivent, le maire est également là, et le corps a été dépendu et couché sur le dos, au pied du sapin fatal.

Pendant que le docteur l'examine et s'assure de son décès, les gendarmes recherchent sur le corps des traces éventuelles d'agression et de lutte. Mais il n'y a rien d'autre que le sillon laissé par la lanière de cuir de quatre à cinq mm de diamètre, qui a servi à la pendaison.

La lanière provient d'un fouet et le sillon part d'avant en arrière, passant sous la gorge pour se terminer très obliquement et en remontant, derrière les deux oreilles. Le corps est déjà raide, presque entièrement froid. Il n'y a pas non plus de trace de lutte au sol. Il s'agit bien d'un suicide.

Reste à identifier la victime.

C'est un homme qui mesure 1.65 à 1.70 m, a les cheveux noirs, le front découvert, très chauve, les yeux bruns, le nez crochu, la bouche moyenne, une grosse moustache brune mélangée à quelques poils blancs, le menton rond. Il présente deux cicatrices à la main droite dont une à l'annulaire et l'autre au dos de la main.

Il porte une blouse en toile blanche, ouverte sur le devant, avec des poches sur les côtés, un gilet de drap noir en bon état, un gilet de coton gris, une chemise en coton blanc, marquée R.G., un gilet en flanelle marqué aux mêmes initiales et au point ordinaire de marque en coton rouge, un caleçon en coton blanc, le tout très propre et en bon état, une ceinture fermant avec boucle d'un bout et contre-sangle en cuir de l'autre, à carreaux rouges sur fond blanc et liséré bleu retenant le pantalon en drap vert foncé et rapiécé avec une toute petite pièce d'une étoffe plus jaune entre les jambes, chaussé de souliers à lacets en bon état, ayant pour coiffure un chapeau de paille blanc, presque neuf.

Les poche sont fouillées. Celles du pantalon contiennent une pipe en bois, un peu de tabac, un couteau, un porte monnaie en cuir à fermoir en cuivre contenant 0.25 centimes, un porte plume, plusieurs plumes neuves et une petite bouteille d'encre noire.

Les poches de la blouse contiennent une pochette de correspondance contenant trois feuilles de papier à lettre blanc sur l'une desquelles est écrit à la main le mot "Motte", deux enveloppes format papier anglais, ne comportant aucune inscription, un timbre poste de 0.15 non oblitéré.

Le cadavre est d'une bonne propreté corporelle, mais rien sur lui ne permet d'établir son identité. Il reste un inconnu.

Le corps est enlevé et emmené à la mairie de Nouan-le-Fuzelier, en attendant son inhumation, ou qu'il soit réclamé par sa famille.

En fait, le pauvre homme a été trouvé par trois jeunes gens du bourg se rendant à la messe : Jacques Germain, vingt-quatre ans, Eugène Germain, son frère, vingt ans, et Jules Bourgoin, vingt ans, tous trois de la ferme du Clodisset. Ils ont trouvé le corps à 9h30 du matin et ont prévenu le garde-champêtre.

Il faut identifier la victime, alors, au son du tambour, une annonce est faite pour que la population se rende à la mairie voir le cadavre et éventuellement, l'identifier.

A 19 h, personne ne l'a encore reconnu. Mais, le lendemain matin, le garde-champêtre, Denis Coquis, est de retour à la gendarmerie. René Franquet, aubergiste à Nouan, est venu voir le cadavre et l'a identifié comme un homme ayant couché chez lui, dans la nuit du 15 au 16 avril.

Il est reparti le 16, après avoir dépensé, chez eux, pour 1.15 francs de souper et coucher, plus une goutte à 0.1, qu'il a bue avant son départ. Il a payé avec une pièce de 1 franc et une pièce de 0.50 et la femme de l'aubergiste lui a rendu 0.25, somme trouvée sur le corps.

Il s'est fait inscrire, sur les registres, comme était Raymond Restes, 44 ans, tailleur de pierres né à Frechet (Haute-Garonne) et domicilié à Boulogne-sur-Seine.

Depuis, personne n'a réclamé son corps. Il est enterré le matin même, au cimetière de Nouan-le-Fuzelier.

Les gendarmes ayant en main de nouvelles informations, des courriers sont envoyés au préfet de Haute-Garonne et au maire de Boulogne-sur-Seine, pour contacter sa famille. Le 9 mai 1892, une réponse parvient au préfet du Loir-et-Cher.

C'est le père de Raymond qui écrit. Le maire de Frechet l'a informé de la mort de son fils. Il aimerait bien savoir pourquoi son fils est mort dans le Loir-et-Cher, s'il était domicilié à Boulogne-sur-Seine !! Il aimerait aussi en savoir plus sur la femme et les enfants de son fils. Lui-même vient de perdre sa femme, Guillaumette Chene, le 10 avril, et cela fait beaucoup de malheurs à la fois.

Cela fait beaucoup de malheurs, effectivement, d'autant que Raymond n'a pas donné signes de vie à ses parents depuis sept à huit ans. Visiblement, les lettres et enveloppes à écrire n'étaient pas pour eux.

Et c'est le père de Raymond qui écrit à sa femme, Louise Roguelin, pour l'informer du décès de ce dernier. La pauvre veuve écrit à son tour au préfet pour avoir confirmation de la mort de son mari, et elle décrit les vêtements qu'il portait en quittant son domicile.

Les courriers s'échangent entre la famille, les préfectures. Il y a même confusion entre Boulogne-sur-Mer et -sur-Seine. Mais il vivait bien à Boulogne-sur-Seine, 65bis avenue de la Reine.

Que faisait-il dans le Loir-et-Cher ? Pourquoi s'est-il suicidé ? Ces questions restent sans réponse.

Raymond est mort cinq jours après sa mère. Son père les a suivi dans la tombe. Il est décédé le 4 octobre 1892, à Auzas, Haute-Garonne.

Raymond laisse une veuve, et trois enfants, Berthe, 15 ans, Louise, 13 ans et Raymond, 8 ans.

Nouan le Fuzelier 1892 D Reste Raymond

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